# 12 : un poisson vorace 

 

Tout avait été prévu, ou presque, mais le dîner fut quand même un désastre. Le poisson avait pourtant été choisi avec un soin tout particulier par la maîtresse de maison. C’était un gros poisson rouge et bleu qu’elle n’avait encore jamais vu nulle part, et le poissonnier lui confirma en ricanant qu’il s’agissait d’une espèce rarissime. En vérité, c’était la première fois qu’il en vendait, alors qu’il était poissonnier depuis vingt ans. Elle se dit que ça tombait bien, elle avait ce dîner important ce soir-là, avec des collègues de son mari, et elle pensa que ce serait chic de leur proposer un poisson insolite. Elle s’en réjouissait à l’avance. Elle remarqua que c’était aussi l’idée du chat de la maison : il n’arrêtait pas de tourner autour du poisson, avec un air de concupiscence qui en disait long sur ses intentions. Elle voulut le chasser de la cuisine, mais la sonnette de la porte d’entrée se fit entendre, et elle se précipita pour aller ouvrir : elle ne voulait pas faire attendre ses précieux invités.


Mais un peu plus tard, lorsqu’elle alla chercher le poisson bicolore à la cuisine, elle dut se rendre à l’évidence : le poisson, même mort et cuit, avait profité de son absence pour engloutir goulûment le riz qui l’accompagnait. Visiblement, et compte tenu des restes qu’on voyait aussi ici ou là autour du plat, il n’avait pas non plus résisté à l’envie de croquer le chat trop curieux ! Mort et cuit, l’animal restait affamé.


Pendant une seconde, elle se demanda s’il était vraiment raisonnable de donner un tel poisson à ses invités. Après tout, c’était peut-être dangereux. Puis elle pensa qu’il était temps pour son mari de prendre quelques risques professionnels. Et elle apporta le plat à table.


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